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Intervenante : Eglantine Jamet

Docteure en sciences sociales, spécialiste des questions de genre et de diversité

 Le sujet des biais genrés demeure d’une actualité brûlante et revêt une importance capitale, particulièrement dans le domaine des ressources humaines. Ces biais, souvent méconnus ou sous-estimés, exercent une influence significative sur les décisions cruciales liées au recrutement des femmes, à leur promotion et à l’évaluation de leurs performances au sein des organisations. La Suisse est particulièrement concernée avec un « gender pay gap » important et des différences significatives dans les opportunités professionnelles. 

 Pour mieux comprendre et lutter contre ces phénomènes, rejoignez-nous lors de notre webinaire le lundi 3 juin. Nous aurons le plaisir d’accueillir Eglantine Jamet, une spécialiste reconnue des questions de genre et de diversité. Ne manquez pas cette opportunité de sensibilisation et d’échange.

Docteure en sciences sociales, spécialiste des questions de genre et de diversité, Eglantine Jamet a commencé sa carrière dans le monde académique, en tant que Maîtresse de conférences à l’université Paris Ouest où elle a enseigné et mené ses recherches pendant près de 15 ans. Convaincue des bénéfices de la diversité et ayant à cœur d’agir sur le terrain, elle a co-fondé Artemia Executive en 2018 afin de proposer des outils concrets aux entreprises pour favoriser une plus grande mixité dans les postes à responsabilité. Premier cabinet de recrutement et de conseil en Suisse expert sur le sujet, Artemia Executive propose au minimum 50% de candidates pour des fonctions de cadre, de direction ou au sein de conseils d’administration et garantit un processus inclusif avec une attention particulière aux biais de genre. Le cabinet soutient également les organisations dans la construction et la mise en place de plans mixité cohérents et efficaces.

Eglantine jamet

artemia executive

Modération : Amanda Castillo

Journaliste économique indépendante

Journaliste économique indépendante et autrice, Amanda Castillo a notamment été responsable du cahier « Carrières » du journal Le Temps de 2015 à 2019, puis des pages « Management » du magazine Bilan. Ses sujets de prédilection sont les ressources humaines, le leadership et le management. Elle a obtenu une Licence en droit et une Maîtrise universitaire en Sciences de la communication et des médias de l’Université de Genève.

Marc Benninger

Amanda Castillo

 Journaliste indépendante

Questions/réponses

    Est-on moins susceptible d’avoir des biais si l’on est une personne rationnelle ou si l’on a fait des études supérieures ?

     Hélas, non. Les recherches en psychologie cognitive et sociale montrent que même les individus éduqués et rationnels ne sont pas immunisés contre les biais. C’est même plutôt l’inverse puisqu’une personne ayant un haut niveau d’éducation sera plus douée pour rationaliser ses biais. Elle pourra utiliser son intelligence et ses connaissances pour justifier ses préjugés de manière sophistiquée, rendant ces biais plus difficiles à détecter et à corriger.

     

    Le plafond de verre, cette barrière invisible mais réelle qui empêche les femmes d’accéder aux positions les plus élevées dans une organisation, existe-t-il dans tous les domaines professionnels ?

     Oui, mais il se manifeste de différentes manières selon le secteur. Il faut d’abord préciser que dès le début de leur parcours éducatif, les filles et les garçons sont souvent orientés vers des filières différentes en raison de stéréotypes de genre. Par exemple, les filles sont moins encouragées à poursuivre des carrières en sciences, technologies, ingénierie et mathématiques (STEM), tandis que les garçons sont moins orientés vers les professions liées aux soins et à l’éducation. Ce phénomène d’orientation genrée contribue à la sous-représentation des femmes dans certains métiers techniques et scientifiques, et des hommes dans les professions de soins et d’enseignement. Pour autant, le plafond de verre existe dans tous les secteurs, que les femmes y soient nombreuses en début de carrière ou pas, ce qui montre bien qu’il existe des mécanismes invisibles qui discriminent sur la base du genre.

     

    Quelle est la différence entre la ségrégation horizontale et la ségrégation verticale ?

     La ségrégation horizontale se réfère à la concentration des femmes et des hommes dans des types de métiers différents, tandis que la ségrégation verticale concerne la distribution inégale des sexes dans les différentes positions de pouvoir au sein d’un même domaine. Dans de nombreux secteurs, les femmes sont majoritairement présentes dans des rôles de soutien ou intermédiaires (par exemple, dans le domaine de la santé, elles sont infirmières, ou médecins jusqu’aux premiers niveaux d’encadrement), mais sont sous-représentées dans les postes de direction et de prise de décision (cheffes de service).

     

    La mixité est-elle un levier de performance pour les entreprises ?

     Absolument. Une étude de McKinsey, corroborée par différentes études répliquées depuis une quinzaine d’années par plusieurs instituts de recherche, révèle que les entreprises ayant une plus grande diversité de genre sont  susceptibles de générer des marges 21 % plus élevées par rapport à celles qui ont moins de diversité. Les équipes diversifiées sont plus créatives car elles combinent des expériences et des perspectives variées. Cette diversité de pensée peut conduire à des solutions plus innovantes et efficaces. Les entreprises qui promeuvent une culture inclusive et agile, qui répond aux besoins variés de leurs employés, sont aussi perçues comme plus attractives par les talents (ce qui permet de les attirer puis de les retenir).

     

    Pourquoi les réactions à la colère diffèrent-elles entre les hommes et les femmes, avec les hommes souvent qualifiés d’affirmés et les femmes d’émotives ?

     Les hommes sont souvent perçus comme naturellement assertifs et dominants. Lorsqu’ils montrent de la colère, cela correspond aux attentes sociétales de force et de leadership. En revanche, les femmes sont stéréotypées comme étant plus émotionnelles et douces. Leur colère est donc vue comme une déviation de ces normes, et elles sont plus souvent qualifiées d’émotives. Ces perceptions différentes peuvent avoir des répercussions significatives. Un homme qui exprime sa colère lors d’une réunion peut être vu comme quelqu’un qui défend fermement son point de vue. En revanche, une femme dans la même situation peut être perçue comme étant trop émotionnelle, instable ou incapable de gérer le stress. Alors qu’il s’agit dans les deux cas d’un débordement émotionnel, qui s’exprime différemment en fonction des injonctions reçues.

     

    Quels sont les principaux biais cognitifs et comment affectent-ils la carrière des femmes ?

     On peut donner quelques exemples de biais cognitifs intéressants à prendre en compte dans notre quotidien professionnel.

    L’effet de halo est la tendance à juger une personne globalement en fonction d’une seule caractéristique positive ou négative. Par exemple, une femme dont la voix est aiguë peut être jugée comme étant incompétente ou agaçante uniquement sur cette base.

     Le biais de confirmation est la tendance à privilégier les informations qui confirment nos croyances préexistantes et à ignorer celles qui les contredisent. Par exemple, si un responsable RH est convaincu que les femmes sont généralement moins engagées dans leur carrière à cause de leurs responsabilités familiales, il cherchera inconsciemment des indices confirmant cette croyance durant l’entretien. Toute mention de la famille sera interprétée comme un signe de manque de dévouement professionnel, même si l’engagement de la candidate est équivalent ou supérieur à celui des candidats masculins.

     Le biais de projection ou d’affinité est la tendance à préférer les gens qui nous ressemblent (mêmes écoles, mêmes diplômes, intérêts et loisirs similaires, etc.), ce qui peut favoriser des candidats masculins dans des environnements dominés par des hommes.

     Enfin, l’effet Dunning-Kruger est le fait de juger de la compétence d’une personne en fonction de la confiance qu’elle dégage. Une femme, même très compétente, qui est modeste ou moins affirmée dans sa communication sera souvent sous-estimée par rapport à un homme moins compétent mais très confiant. Ainsi, les promotions et les opportunités de leadership pourraient aller à des hommes moins qualifiés mais plus sûrs d’eux.

     

    Comment repérer et déjouer les biais à chaque étape du processus de gestion des ressources humaines ?

     Dans les annonces d’emploi, vérifiez le langage utilisé pour s’assurer qu’il n’est pas genré. Utilisez des logiciels de tri anonymes des CV qui cachent les noms, les sexes, et les photos des candidats. Offrez également une formation sur les biais implicites à vos recruteurs afin de les sensibiliser à leurs propres préjugés. Il est important que le panel de recrutement soit diversifié (des personnes de différents sexes, âges et origines). Les grilles d’évaluation standardisées sont aussi utiles parce qu’elles permettent d’utiliser des critères d’évaluation clairs est objectifs. Soyez enfin vigilant aux tendances à promouvoir celles ou ceux qui partagent des caractéristiques ou des antécédents similaires à ceux des décideurs ou de la personne qui occupait préalablement le poste. Vous ne réussirez pas en ne recrutant que des clones !